La sortie du tunnel - 2015 2017
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Mon père décède d’une crise cardiaque un mois après ma sortie du C.A.L.M.E.. Ma mère est anéantie, développe un Alzheimer naissant, et perd son autonomie.
J’ai déjà parlé de ma culpabilité par rapport à mon fils, mais je pourrais aussi parler de la honte ressentie par rapport à mes parents. Ils ont fait tout ce qui était dans leurs moyens pour m’élever du mieux qu’ils pouvaient. Ils savaient que je consommais du cannabis, mais n’avaient aucune idée de mon addiction. Quant à mon alcoolisme, je leur en ai fait part lors de ma première cure, en 2002. A chaque hospitalisation, la honte me submergeait quand je leur annonçais.
J’ai compris depuis que la maladie de l’addiction peut toucher n’importe qui. Comme dit le Dr Nowominski, l’addiction, c’est « la rencontre d’un individu à un moment donné de sa vie sur toute une histoire donnée avec un produit donné ou une conduite qui vient solutionner de façon inédite et singulière la problématique sous-jacente connue ou pas «.
Paradoxalement, le décès de mon père, au-delà de la tristesse, m’aide dans mon abstinence. Je sens sa présence bienveillante, et je pense qu’il m’accompagne dans l’aide que j’apporte à ma mère : je fais ses courses, je l’emmène dans ses différents rendez-vous, je lui trouve une femme de ménage, une auxiliaire de vie, je mets en place son autonomie. Mon frère s’occupe du côté administratif, et je gère le quotidien.
Je ne sais plus exactement quand j’ai annoncé à Benoist Nowominski, que j’arrêtais les consultations avec lui, que je me sentais autonome, et libre ! j’étais très émue !
Il avait mis en place un groupe de parole le vendredi après-midi avec les patients du pôle addictologie de l’hôpital de Rambouillet. Avec Henry, et Bernadette sa compagne, nous nous y rendons pour participer, témoigner.
Parallèlement, je me rends avec Henry à la clinique de Vieille Eglise, où le docteur dirige aussi un service d’addictologie. Nous représentons La Croix Bleue de Versailles, et j’anime un groupe de parole.
Avec la Croix Bleue, et Henry Casanova, nous intervenons aussi en prévention, dans un Lycée du Chesnay, auprès des élèves de seconde, première, et terminale. Cela est passionnant, ils sont vraiment intéressés par nos parcours, exposés, et paroles. Certains sont aussi perturbés, peut-être à cause des problèmes d’addiction de leur proches…
Au niveau artistique, je continue dans ma créativité, qui porte aussi mon abstinence. Je réalise une grande toile à la peinture à l’huile qui représente une femme qui sort du tunnel … « La Femme Araignée ».
Elle reçoit le prix du public du Salon des Arts en Hurepoix de Ste Geneviève des Bois l’année suivante.
Je réalise des portraits depuis quelques années.
Je continue aussi d’aller peindre des aquarelles dans la nature, sur les sentiers côtiers du golfe du Morbihan. J’y puise une ressource, une énergie incomparable ; cela me permet aussi de quitter la réalité, en y prenant un grand plaisir !
J’ai l’impression de toucher le temps !
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